Questionnaire Jules Verne et Vous


[ Laurence Sudret, France

" ... j’ai souvent dit qu’il pourrait presque se considérer comme mon « Jules », selon le sens qu'Arletty aurait donné au mot. "



Collectionneuse (de tortues)
Ancienne élève de l’école élémentaire publique mixte Roger Martin du Gard, Nantes. (Merci Alfu !)

Auteur de :
Pour en finir, roman (sous le pseudonyme d’Eléonore Louvieux), 2018.

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Q-01 Souvenir :
Quel est votre souvenir le plus ancien de lecture d’un roman de Jules Verne ? Vous souvenez-vous comment ce livre était arrivé entre vos mains ?

C’est un souvenir double.
Je me souviens que, adolescentes, ma sœur et moi allions rejoindre mon père dans le nord de la France pendant les vacances d’été. Une après-midi, c’était l’année de mes treize ans, je regardais la télé pendant qu’il travaillait et il fit un saut à la maison pour s’assurer que tout allait bien. Je regardais une série dont je ne connaissais pas le titre ayant raté le début. J’étais plongée dans l’aventure et je suivais Jess Hahn, acteur que l’adolescente que j’étais adorait. Mon père regarda quelques secondes de film et me demanda si c’était bien l’Île mystérieuse. Je répondis que je ne savais pas. Il me cita alors tous les personnages de la série (y compris le chien Top) en me demandant si c’était bien cela… et je fus ébahie. Plus encore que par la série. J’eus à ce moment-là le sentiment que mon père connaissait tout sur tout puisqu’en quelques secondes il était capable de me dire ce que je regardais à la télé avant qu’il arrive…
Dans la foulée, il me donna ses exemplaires du roman ; ceux qu’il avait eus dans son enfance. C’étaient les trois volumes de la première série des bibliothèques vertes Hachette. Je suis tombée alors dans la marmite de potion vernienne et, comme Obélix, je ne m’en suis jamais vraiment remise.


Q-02 Nostalgie :
Quel roman de Jules Verne vous a fait la plus forte impression ? Quel âge aviez-vous lors de sa lecture ?

Je regrette vraiment d’avoir posé cette question. Elle est redoutable.
S’il fallait faire absolument un choix, je dirais que l’Île mystérieuse fut l’élément déclencheur, que Vingt mille lieues sous les mers, fut le catalyseur qui fit réagir la « potion vernienne » et que P’tit Bonhomme est celui qui m’émut le plus et que j’ai envie de relire chaque fois que je n’ai pas le moral.
J’ai lu Vingt mille lieues sous les mers juste après mon entrée au lycée, j’allais avoir 15 ans. J’ai découvert P’tit Bonhomme beaucoup plus tard, je devais avoir 27 ou 28 ans… et le roman m’avait bouleversée. Il était si différent de tout ce que j’avais lu de Verne et tellement bien écrit que je l’ai laissé sur mon bureau pendant des mois sans réussir à le ranger avec les autres.


Q-03 Actualité :
Quelle place Jules Verne a-t-il désormais dans votre vie ? Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ses ouvrages ?

Pour m’expliquer, je vais passer par une anecdote. Alors que j’étais encore lycéenne, nous étions ma mère, ma sœur et moi devant les informations télévisées et la journaliste interrogeait, il me semble, Jean-Louis Etienne qui avait atteint le pôle en solitaire. La journaliste lui demanda s’il avait eu peur, mais la liaison étant mauvaise, il crut qu’on lui demandait s’il avait « du beurre ». Il répondit imperturbablement qu’il n’avait pas de beurre mais du pemmican. Surprise de ma mère et de ma sœur alors que j’expliquais ce qu’était le pemmican… facile : j’avais lu Jules Verne !
De très nombreuses fois, et parfois dans des situations éprouvantes, mon cerveau a fait le rapprochement entre les situations vécues et les romans de Jules Verne. Il est l’auteur qui m’a toujours le plus accompagnée, un peu comme une présence qui se manifeste très régulièrement, par l’intermédiaire de ses romans. A cause de cela, j’ai souvent dit qu’il pourrait presque se considérer comme mon « Jules », selon le sens qu'Arletty aurait donné au mot.


Q-04 Géographie :
Quel pays évoqué par Jules Verne vous a fait le plus rêver ? L’avez-vous depuis visité ? Que gardez-vous de la confrontation entre votre souvenir de lecture et la réalité découverte sur place ?

C’est sans doute la descente de l’Amazone sur la Jangada. Voyage qui est resté à l’état de doux rêve.


Q-05 Science :
Quelle est la machine vernienne (ou l’invention) qui vous fascine le plus ? Que représente-t-elle à vos yeux ?

La question de la « science » est, de très loin, celle qui m’intéresse le moins chez Jules Verne (sans doute parce que je n’ai aucune culture scientifique). Et je regrette vraiment qu’elle focalise toutes les attentions, faisant ainsi oublier qu’il était avant tout un écrivain.
Néanmoins, on ne peut faire abstraction des machines… Celle que je préfère est le « Géant d’Acier ». Peut-être parce que, curieusement, c’est celle qui est la plus vraisemblable car la plus « simple », et celle que pourtant j’imagine le moins facilement. Ayant une fascination pour les éléphants depuis mon enfance, je ne peux imaginer qu’une machine en soit la parfaite reproduction.


Q-06 Personnalité :
Quel personnage de Jules Verne est le plus réussi selon vous ou vous intéresse le plus ?

Je répondrai sans hésiter « La Flamme errante ».
Certes, il y a des personnages intéressants à foison dans les textes de Jules Verne. Je ne sais pas d’ailleurs si les « salauds » ne sont pas souvent plus réussis encore que les autres. Mais rencontrer dans un roman que j’aime énormément un personnage appelé Laurence Honlay… cela m’a apporté une satisfaction incroyable ; c’était découvrir que « Laurence » était aussi un prénom vernien. Et ce, malgré tous ces prénoms en « a »…
Ce jour-là, j’ai pardonné à mes parents de m’avoir appelée ainsi. Naturellement, de façon très subjective je l’avoue, elle est devenue mon personnage préféré.
Plus tard, j’ai découvert Laurence de Croix / Maubray dans la pièce Onze jours de siège. C’était la consécration ! Laurence était définitivement un prénom vernien ! (mais cette dernière est loin de faire partie de mes personnages préférés, je la trouve vraiment trop mièvre et loin d’être capable de traverser les forêts indiennes, seule, à pied et une branche de résineux allumée à la main.)


Q-07 « Proust » :
Quel défaut ou quelle faute des romans verniens vous inspire le plus d'indulgence ?

Mon indulgence s’adresserait plus au romancier qu’aux romans. Je regrette vraiment qu’il se soit trop facilement laissé enfermer dans la catégorie « auteur pour la jeunesse »… Certes, il y avait Hetzel et son fameux projet, et sans lui peut-être que Verne n’aurait pas été ce qu’il est devenu, etc etc.
Malgré tout, je comprends que le plus important pour lui était d’écrire plutôt que de batailler pour améliorer cette facette de son image. Ce qui, en fin de compte, est tout à son honneur.
(Mais quand même, un siècle après, quand je cherchais certains romans que je n’avais pas encore pour mon travail de doctorat et que j’écumais les librairies d’occasion de Paris en demandant tel ou tel titre, on me répondait assez régulièrement : « Ce roman… c’est pour un enfant de quel âge ? »
Et je préfère ne pas parler de la réaction dudit libraire quand il découvrait que c’était pour une enfant qui avait depuis longtemps dépassé la vingtaine).


Q-08 « ABC » :
Quelle expression aimeriez-vous formuler avec les initiales de Jules Verne (ou Jules Gabriel Verne) ?

Joyeux Vaurien ; probablement ce qu’il aurait voulu être…


Q-09 « Voyage dans le temps… » :
Si Jules Verne avait pu être transporté dans le XXIe siècle que nous connaissons, quelle invention ou quel progrès aurait pu inspirer son âme créatrice ?

Si j’en juge par le nombre de « doubles » que l’on trouve dans ses romans, je pense que la question du clonage l’aurait probablement fasciné.


Q-10 farfelue :
Si vous deviez lancer une rumeur à propos de Jules Verne, quelle serait-elle ?

J’ai découvert récemment que Jules Verne avait eu une aventure extra-conjugale avec une Américaine (vraiment, quel vaurien !) et qu’il était né, de cette folle nuit, un fils devenu célèbre par la suite !