bulletin de la Société Jules Verne
N°207 Novembre 2023
[ Table des Matières
Éditorial (p. 1) - J. Jules Verne : Conférence sur son grand-père (1955). (p. 3) - F. Marchand : Jules Verne et l’Intelligence Artificielle (p. 27) - Ph. BuRgaud : Une curieuse action publicitaire « autour du monde » (p. 34) - J.-L. Mongin : Contributions à une faunistique vernienne. 1 – Taxonomie (p. 36) - H. Levanneur : Un collaborateur inattendu de J. Verne : William Hogarth (p. 55) - P. Bernat : L’influence de l’œuvre de Jules Verne dans la littérature catalane (p. 57) - V. Dehs : Jules Verne et les chats (p. 71) - A. BRaut : Origine d’une illustration (p. 74) - J.-A. G. Vlachos : Jules Verne, Frédéric Chopin et George Sand. Quelques réflexions au sujet d’un détail musicologique dans L’Île à hélice (p. 77) - D. compèRe : Pitre-Chevalier, un ouvrage de Jean-Louis Mongin (p. 89) - D. Collomb-Clerc : Liu-Cixin : de Jules Verne à la hard science-fiction (p. 92) - Différents auteurs : Jules Verne mis en vers (1889-1908) (p. 96) - P. Gondolo della Riva : 1882 : L’Île mystérieuse à Turin ! (p. 106) - Ph. Burgaud : Carnaval à la Nouvelle-Orléans (p. 106) - Jules Verne en 1897 (p. 108) - J.-C. Bollinger : Humbug & balivernes. Jules Verne et l’étudiante polonaise (p. 109) - Table des illustrations (p. 116) - G. RogeR-Naudin : Assiette Tour du monde en 80 jours (p. 120)
[ Éditorial
Le présent numéro est un bouquet de fleurs anciennes et nouvelles. Il réunit par exemple une vue rétrospective par le biais d’une ancienne conférence de Jean Jules-Verne sur son grand-père, restée dans cette forme inédite, et une communication non moins inédite de Francis Marchand consacrée à l'Intelligence artificielle.
Jean-Louis Mongin, l’auteur d’une récente biographie sur l’homme de lettres et directeur du Musée des familles Pitre-Chevalier (publication présentée d’ailleurs dans ce même numéro par Daniel Compère), propose le premier volet d’une étude sur la faunistique vernienne alors que d’autres auteurs nous offrent quelques relations inattendues voire surprenantes entre Jules Verne et Frédéric Chopin, George Sand, Hogarth ainsi que l’écrivain chinois Liu Cixin. On s’interroge même sur une éventuelle « liaison » entre le père des Voyages extraordinaires et une jeune femme... cette fois non roumaine, mais polonaise !
La réception de l’œuvre vernienne sera abordée du point de vue de ses émules hispaniques par notre ami catalan Pasqual Bernat, ainsi que par la présentation d’une anthologie qui a de bonnes chances d’être la première contenant un extrait de Jules Verne. Suivent quelques poésies enthousiastes vantant les mérites de l’écrivain (suite et fin) sans oublier le sujet inépuisable du carnaval, évoqué ici par Piero Gondolo della Riva et Philippe Burgaud.
Après douze années d’un travail qui, grâce à vos nombreux ap- ports, vos encouragements et une collaboration amicale au sein de la rédaction, a toujours été passionnant, ce numéro est le dernier réalisé sous ma direction. Je continuerai toutefois à participer à la rédaction de notre revue et à y proposer mes contributions. À partir du n° 208, la direction du BSJV sera assumée par Laurence Sudret et Jean-Louis Mongin, tous les deux d’anciens habitués qui prendront la relève. Poursuivons les recherches, je vous assure qu’il reste toujours des découvertes à faire...
Volker Dehs
[ JULES VERNE ET LES CHATS
par Volker Dehs (texte intégral)
La parodie, dit-on, est la consécration du succès. Une autre manifestation de la célébrité littéraire, plus conventionnelle, est l’introduction d’un auteur dans les anthologies. En ce qui concerne Jules Verne, la bibliographie de Piero Gondolo della Riva en signale quelques exemples publiés entre 1868 et 1895 (1). Jusqu’à présent la première apparition datait de 1868, dans une publication de la maison Hetzel, ce qui n’étonne guère (2). Mais il y a au moins une publication qui l’a précédée, et elle est curieusement consacrée à « la gent féline » et son apparition dans les « anecdotes, chansons, proverbes, superstitions, procès, etc. ».
Cette compilation est due au libraire bruxellois Jean Gay (1837-1883), fils et associé du célèbre éditeur Jules Léopold Gay (1807-1887). Elle fut publiée dans un tirage limité à 300 exemplaires « numérotés, tous sur papier de hollande » (3) [illus. 32]. Un extrait emprunté à De la Terre à la Lune y figure aux côtés de Rousseau, Baudelaire, Buffon et Champleury [illus. 33]. Si la célèbre nouvelle d’Edgar Poe n’y est pas retenue (probablement pour des raisons de copyright), elle est toutefois mentionnée dans la bibliographie du volume en succédant directement au célèbre Chat Murr de E.T.A. Hoffmann (p. 261). Ainsi, un chat sans nom, assassin d’un écureuil infortuné, a connu une célébrité notable bien que peu remarquée mais exquise au point de vue bibliophilique.
Le texte emprunté au chapitre xxii (« Un nouveau citoyen des États-Unis ») reprend celui de la version pré-originale, non comme signalé, du 12 novembre, mais du 12 octobre. Ce qui n’est point indiqué, c’est qu’il s’agit d’un extrait abrégé dont nous signalons ci-dessous en italique les passages omis de l’épisode (4) : Dans cette charmante bombe, qui se fermait au moyen d’un couvercle à vis, on introduisit d’abord un gros chat, puis un écureuil appartenant au secrétaire perpétuel du Gun-Club, et auquel J.-T. Maston tenait particulièrement. Mais on voulait savoir comment ce petit animal, peu sujet au vertige, supporterait ce voyage expérimental.
Le texte emprunté au chapitre XXII(« Un nouveau citoyen des États-Unis ») reprend celui de la version pré-originale,
non comme signalé, du 12 novembre, mais du 12 octobre. Ce qui n’est point indiqué, c’est qu’il s’agit
d’un extrait abrégé dont nous signalons ci-dessous en italique les passages omis de l’épisode (4) :
Dans cette charmante bombe, qui se fermait au moyen d’un couvercle à vis, on introduisit d’abord un gros chat,
puis un écureuil appartenant au secrétaire perpétuel du Gun-Club, et auquel J.-T. Maston tenait particulièrement.
Mais on voulait savoir comment ce petit animal, peu sujet au vertige, supporterait ce voyage expérimental.
Le mortier fut chargé avec cent soixante livres de poudre et la bombe placée dans la pièce. On fit feu.
Aussitôt le projectile s’enleva avec rapidité, décrivit majestueusement sa parabole, atteignit une hauteur
de mille pieds environ, et par une courbe gracieuse alla s’abîmer au milieu des flots.
Sans perdre un instant, une embarcation se dirigea vers le lieu de la chute ; des plongeurs habiles se précipitèrent
sous les eaux, et attachèrent des câbles aux oreillettes de la bombe, qui fut rapidement hissée
à bord. Cinq minutes ne s’étaient pas écoulées entre le moment où les animaux furent enfermés et
le moment où l’on dévissa le couvercle de leur prison.
Ardan, Barbicane, Maston, Nicholl se trouvaient sur l’embarcation, et ils assistèrent à l’opération avec un sentiment
d’intérêt facile à comprendre. À peine la bombe fut-elle ouverte, que le chat s’élança au-dehors, un peu froissé,
mais plein de vie, et sans avoir l’air de revenir d’une expédition aérienne. Mais d’écureuil point.
On chercha. Nulle trace. Il fallut bien alors reconnaître la vérité. Le chat avait mangé son compagnon de voyage.
J.-T. Maston fut très-attristé de la perte de son pauvre écureuil et se proposa de l’inscrire au martyrologe de la science.