[ Exposition : Jules Verne 200
Par Laurence Sudret
On se souvient de l’énorme battage qui eut lieu en 2005 pour le centenaire de Jules Verne. De l’avis de beaucoup,
tout ne fut pas des plus réussis, que ce soit dans le domaine des expositions, des spectacles, des publications,
ou encore des colloques… Il y eut beaucoup de choses ! trop de choses car malheureusement il n’y en eut pas tant
que cela d’intéressantes… la preuve moins de 20 plus tard, qui s’en souvient ? le temps qui passe est bien souvent
le juge le plus éclairant.
On sait qu’il y aura sûrement beaucoup d’activités à nouveau en 2028 ; espérons que les erreurs de 2005 ne se reproduiront
pas. Nous verrons bien, mais quoi qu’il en soit, nous pouvons déjà être sûrs qu’il y aura une production qui marquera
ce bicentenaire de la naissance de Jules : Jules Verne 200.
Est-il besoin d’expliquer le titre ? 1828-2028… La société Layers of Reality a créé, conçu, mis en scène… cette formidable
production qui rend un hommage appuyé au romancier français. Le problème après l’avoir vue est qu’on ne sait vraiment
pas par où commencer pour en parler. Essayons malgré tout !
Il est coutumier de dire « Jules Verne aurait aimé cela » ; phrase qui fait peu de sens en fin de compte tant nous n’en savons rien. Mais ce qui est certain c’est qu’il aurait certainement apprécié que l’on rende ainsi hommage à ses livres, à son travail, à l’admiration internationale (populaire certes mais aussi de la part d’autres artistes) qu’il reçut de son vivant même…
L’exposition se déroule en chapitres organisés (8 espaces qui se suivent) que nous ne reprendrons pas par le menu.
Le programme de présentation de Layers of Reality fait cela très bien. Aussi attachons-nous seulement à en présenter quelques-uns :
- une première salle présente quelques éléments biographiques sur des panneaux et une table numérique centrale permet
à tous de découvrir quelques éléments de la vie de Jules Verne : une lettre, une illustration d’un roman, les bateaux…
- la deuxième salle présente quelques étapes clés de la vie de Jules Verne en réalité virtuelle…
le visiteur est plongé dans le monde du XIXe siècle et a le sentiment de le découvrir tel que le connaissait Jules Verne,
- arrive ensuite une salle dans laquelle, il découvre ce qui compte le plus : les livres ! Rien d’académique et de
poussiéreux comme dans un rayon de bibliothèque oublié… au contraire, les murs sont couverts d’affiches pleines de couleurs
à regarder très attentivement car elles n’ont pas été choisies au hasard : elles évoquent les livres, les pièces,
les spectacles de cirque (!!), les publicités… tout ce qui entourait Jules Verne.
- ces livres, le visiteur en découvre ensuite quelques-uns dans la salle immersive ; illustrations, images virtuelles,
résumés, photogrammes et extraits de films de Meliès… se mêlent, accompagnés d’une bande sonore minutieusement choisie,
en un spectacle foisonnant qui ne laisse pas une minute au visiteur pour reprendre son souffle. Au point qu’on peut
rester assis pendant une heure sans même s’en rendre compte, à regarder le souffle court les quatre murs de cette immense pièce.
le clou de cette visite est sans doute, pour la plupart des visiteurs, le « meta-verne » qui permet de se promener
dans les univers verniens les plus célèbres : les fonds sous-marins, le centre de la Terre, la Terre vue du ciel
à bord de l’Albatros ainsi que l’espace vu du sol lunaire…
D’autres pièces complètent cette exposition qui, on l’aura compris, veut célébrer dignement le romancier français…
On pourrait s’arrêter là mais ce ne serait pas faire un compte rendu fidèle de cette production qui correspond si
bien à Jules Verne et à ce qui le touche. Production, exposition, immersion… on ne sait d’ailleurs quel terme
choisir… J’en suis à me demander si le plus approprié ne serait pas celui de « spectacle » qui désigne tout ce
qui mérite d’être regardé. Et ce spectacle mérite en effet de l’être…
D’abord parce que c’est le produit d’un travail considérable de recherche, un peu comme celui que faisait Verne,
pour produire un contenu qui soit le plus varié possible, on parle de machines mais aussi de théâtre, de Nantes,
de Nadar, de Dickens… Les auteurs ont fait un incroyable travail de « fouille » et ont à cœur de fournir des informations
les plus exactes possibles, les plus précises et vérifiées (ce n’est pas si souvent le cas)…
En outre, ils ont réussi à faire en sorte que tous les publics soient touchés : petits et grands,
mais aussi amateurs d’images et amateurs de livres, verniens endurcis et simples lecteurs voire ignorants complets
de la culture vernienne… tous s’y retrouvent. Comme les ouvrages de Verne qui savent s’adresser à tous les publics,
chacun y trouvant substance à son goût et/ou à son niveau, le spectacle convient à tous : bref, enfin une sortie où
les Verniens pourront emmener toute leur famille sans avoir à craindre un « quand est-ce qu’on sort ? » ou
« quand est-ce que ça se termine ? » plus ou moins péremptoire. Ils ont également pris le risque de ne pas parler
toujours et en boucle des romans « locomotives » que l’on présente sans cesse : certes, ils sont présents mais
sans être omniprésents ; et on a le plaisir d’entendre aussi parler des pièces, de La Jangada,
de La Maison à Vapeur... de ces si beaux romans dont on parle moins...
Enfin, ils n’ont pas oublié d’évoquer le XXe siècle : Oui, Jules Verne en fait partie tant il a inspiré, accompagné, influencé, poussé ! scientifiques, explorateurs, artistes, auteurs… Ce spectacle montre parfaitement que Jules Verne n’est pas seulement un romancier, il est un romancier extraordinaire (il fallait bien, quand même, utiliser l’adjectif qui lui colle à la peau) car il pousse ses lecteurs à aller plus loin, à faire de leur mieux jusqu’à devenir pour certains « extraordinaires » eux-mêmes. Osera-t-on encore, après cela, dire que c’est un auteur pour enfants qui n’écrit pas bien ?
Pour finir, je dirais que Layers of Reality a remis au goût du jour la formule d’Hetzel prônant le binôme « Education » et « Récréation ». On apprend en s’amusant ; la formule avait réussi à Jules Verne et nul doute qu’elle réussira à nouveau. Et je me réjouis à titre personnel, de voir Jules Verne ainsi mis à l’honneur par une production espagnole lancée à Barcelone… C’est tout à fait conforme à son univers : lui qui mit le monde à l’honneur - monde qui le lui rendit bien1 - se retrouve l’objet d’un spectacle qui va se déplacer dans de nombreuses villes de la planète. Citons le cri de joie et de félicitations qu’il envoya à Nellie Bly (elle aussi présente dans ce spectacle bien sûr !) à la fin de son tour du monde : le monde entier célébrant Jules Verne ! « Hourra ! Hourra ! »
(1) J’en veux pour preuve les traductions si nombreuses de ses romans, de son vivant même, les adaptations en films, téléfilms et séries, sur tous les continents…